Nouveau discours du vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, et nouvelles décisions et orientations pour essayer de sortir de l’impasse politique dans laquelle est plongée l’Algérie depuis la démission du président Bouteflika, il y a tout juste deux semaines.
Dans un discours prononcé ce mercredi 16 avril au terme d’une visite d’inspection à la quatrième Région militaire (celle de Ouargla, dans le sud du pays), Ahmed Gaïd Salah annonce que l’armée est prête à accompagner les institutions durant cette transition, affirme que « toutes les perspectives sont ouvertes », mais juge qu’une solution à la crise doit émerger « dans les meilleurs délais ». Le chef de l’institution militaire, qui occupe le devant de la scène depuis le départ du chef de l’État, estime que « la situation ne peut perdurer davantage » et que le « temps est compté »
Des millions d’Algériens continuent de manifester aux quatre coins du pays pour rejeter le gouvernement de Noureddine Bedoui, refuser de reconnaître la légitimité du président par intérim, Abdelkader Bensalah, cacique parmi les caciques du système, et s’opposer au plan de transition qui prévoit la tenue d’une élection présidentielle le 4 juillet prochain. La défiance populaire contre le système prend même de nouvelles formes de désobéissances civiles qui compliquent encore davantage la crise. Des magistrats refusent d’encadrer le scrutin, des maires s’opposent à la révision des listes électorales et à l’organisation du vote, tandis que des ministres sont empêchés d’effectuer des visites sur le terrain.
« Rejet de toute forme de violence »
Le discours de Gaïd Salah intervient quelques heures après l’annonce de la démission du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, lui aussi pris pour cible par les manifestants. Sa décision est-elle une concession et un pas de plus dans la satisfaction de la demande populaire d’en finir avec le système ? L’allocution de Gaïd Salah, qui répète que « l’armée est engagée à satisfaire toutes les revendications du peuple », semble aller dans ce sens.
« La réalisation de ces objectifs requiert plusieurs étapes nécessitant de la patience, de la compréhension et le rejet de toute forme de violence, affirme Gaïd Salah. Ainsi, l’étape principale étant concrétisée, elle sera, certainement, suivie par d’autres jusqu’à la réalisation de tous les objectifs escomptés, et ce, sans perturber le fonctionnement des institutions de l’État. »
L’institution militaire ne cautionne pas la gestion violente de certains éléments de la police lors de la manifestation qui s’est déroulée vendredi dernier à Alger
Pour la première fois depuis le depuis le début des grandes manifestations vendredi 22 février, l’armée annonce avoir donné « des instructions sans équivoque pour la protection des citoyens, notamment lors des marches ». Comprendre : l’institution militaire ne cautionne pas la gestion violente de certains éléments de la police lors de la manifestation qui s’est déroulée vendredi dernier à Alger, où il a été fait usage de bombes lacrymogènes sur certains manifestants, notamment devant le tunnel des Facultés.
Depuis ce vendredi, la police nationale fait l’objet de vives critiques de la part de l’opinion publique, qui soupçonne le gouvernement de vouloir réprimer le mouvement. En revanche, prévient Ahmed Gaïd Salah, l’armée attend du peuple « d’éviter le recours à la violence, de préserver les biens publics et privés et d’éviter d’entraver les intérêts des citoyens ». Hormis des actes de violences dans la capitale commis par des casseurs à la fin de chaque marche, toutes les manifestations qui se déroulent depuis deux mois n’ont pas enregistré d’actes de violence, de dégradations publiques ni de destructions de biens privés ou publics.
« Accélérer les procédures judiciaires »
Poursuivant sa croisade contre la « bande » qui a, selon lui, siphonné les richesses du pays, le général met encore la pression sur la justice pour accélérer l’ouverture des dossiers de corruption, la traque de l’argent sale et les crédits octroyés aux hommes d’affaires proches du cercle présidentiel.
Dans son allocution, le chef de l’armée dit attendre « que les instances judiciaires concernées accélèrent la cadence du traitement des différents dossiers concernant ceux qui ont bénéficié indûment de crédits estimés à des milliers de milliards, causant préjudice au Trésor public et dilapidant l’argent du peuple ». Plusieurs hommes d’affaires ont fait l’objet d’interdictions de sortie du territoire national, alors que le président du FCE Ali Haddad a été incarcéré début avril pour détention frauduleuse d’un passeport indûment acquis.
L’un des messages les plus significatifs de cette nouvelle sortie de Gaïd Salah est sans doute ce dernier avertissement qu’il lance au général à la retraite Mohamed Médiène, alias Toufik, ex-patron du renseignement pendant vingt-cinq ans. Gaïd Salah accuse ainsi nommément Toufik d’avoir participé à des réunions secrètes « dans l’ombre pour conspirer autour des revendications du peuple et afin d’entraver les solutions de l’Armée nationale populaire et les propositions de sortie de crise ».
Mis en cause sans être nommé dans un communiqué du ministère de la Défense du 30 mars dernier, Toufik a nié avoir pris part à une réunion à laquelle auraient participé l’ancien président Liamine Zéroual ainsi qu’un membre d’un service secret étranger. Selon nos informations, au cours de ce rendez-vous, il lui avait notamment proposé, en accord avec Saïd Bouteflika, de présider l’instance de transition nationale. Dans son message de ce mardi, Ahmed Gaïd Salah menace clairement Toufik de recourir à des mesures légales fermes « dans le cas où celui-ci persiste dans ses agissements ».