La Tunisie accueillera les 30 et 31 mars le 30e sommet de la Ligue arabe. Si ses voisins maghrébins n’enverront pas leurs chefs d’État, l’Arabie saoudite devrait être de loin la mieux représentée des 21 délégations participantes.
Rues propres et pavoisées, plates-bandes fleuries tirées au cordeau, peintures fraîches… Tunis s’est métamorphosée pour recevoir les dirigeants arabes. « Il faudrait qu’ils viennent plus souvent », ironisent les habitants de la capitale, étonnés du dispositif de sécurité maximale déployé dans la ville. Ils ne ménagent pas non plus leurs critiques, aussi bien sur la circulation perturbée qui fait suffoquer l’hyper centre, que sur les affiches géantes à l’effigie du roi Salman d’Arabie saoudite ou les représentations de différents monuments historiques du pays, en carton pâte et sans relief, qui ont investi l’espace urbain pour rappeler que Tunis est aussi capitale de la culture islamique pour 2019.
Les Tunisois ne mesurent pas les retombées d’un tel événement. Pour la diplomatie nationale, ce 30e sommet de la Ligue arabe est un temps fort. « C’est le seul pays arabe capable d’accueillir tous les pays arabes », commente à Jeune Afrique Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des Affaires étrangères. Il s’agit aussi de rétablir son image à l’international, écornée depuis les attentats terroristes de 2015.
Bouteflika et Mohammed VI représentés
12 000 participants de 21 délégations, ainsi qu’un millier de journalistes, sont attendus pour le sommet. La Syrie ayant été exclue depuis 2011, elle laissera son siège vide, dans l’attente d’une réintégration qui devrait être évoquée lors de cette rencontre. Parmi les absents, le roi Mohammed VI du Maroc sera représenté par le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, ainsi que le ministre de la Justice Mohamed Aujjar.
Le président soudanais Omar el-Béchir, condamné par la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre, délègue la direction de la délégation soudanaise à Mohamed Ahmed Ben Aouf, vice-président et ministre de la Défense, tandis qu’El Dridri Mohamed Ahmed, ministre des Affaires étrangères, participera samedi au conseil des ministres visant à préparer les points examinés le lendemain par les chefs d’État.
La participation algérienne interroge également. Si une délégation sera bien présente à Tunis, elle devait être conduite par le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah. Ce dernier devant assurer l’intérim en cas d’empêchement ou de démission d’Abdelaziz Bouteflika, il n’effectuera probablement qu’un passage éclair à Tunis, le 31 mars pour la réunion et l’adoption du communiqué final du sommet.
La Libye, qui sera au cœur des discussions, sera représentée par Fayez al-Sarraj, président du Conseil présidentiel du gouvernement d’union nationale libyen – reconnu par les Nations unies. Le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen – reçu mercredi à Riyad par le roi Salman – , ne sera quant à lui pas présent à Tunis.
L’Arabie saoudite en force
La délégation la plus imposante sera celle de l’Arabie Saoudite, avec pas moins de 1 200 personnes venues à bord de 22 avions. Le roi Salman ainsi que les huit émirs et onze ministres seront tous accompagnés de leur propre service de sécurité. Un aréopage impressionnant qui marque le poids du royaume des Saoud sur l’échiquier arabe, et donne de l’apparat à ce 30e sommet à l’occasion duquel l’Arabie saoudite, actuelle présidente de la Ligue arabe, passera le relais de la présidence à la Tunisie pour une durée d’un an.
« Les événements en Algérie ne seront pas à l’ordre du jour », a signalé le porte-parole du sommet sur les ondes de Mosaïque FM. « Vraisemblablement aucune décision ne sera prise quant à une réintégration de la Syrie au sein de la ligue », anticipe quant à lui l’ancien ministre des Affaires étrangères tunisien Ahmed Ounaies.
Selon ce qu’a laissé entendre le président Béji Caïd Essebsi, il est cependant probable que le sommet mettra la cause palestinienne au centre des discussions et adoptera une position commune sur la question du Golan. Il examinera également la situation en Libye, abordera des thématiques plus transversales comme la sécurité et le terrorisme, et envisagera la réforme de la Ligue arabe. Des points sur lesquels les pays arabes, qui n’ont jamais été aussi divisés, peuvent s’accorder, en attendant que la Ligue soit perçue comme un espace apte à résorber les dissensions.