C’est l’annonce d’une cinquième candidature d’Abdelaziz Bouteflika qui a tout déclenché avec une mobilisation inédite qui n’a fait qu’enfler au fil des jours, pour devenir un soulèvement populaire, une contestation pacifique et citoyenne, très loin des émeutes violentes qu’a pu connaître l’Algérie dans le passé.
La candidature puis le dépôt de cette dernière par le directeur de campagne du président algérien, son départ pour des soins à Genève et les inquiétudes depuis 15 jours sur son état de santé ont allumé la mèche de la contestation. Dès le 10 février, des appels à manifester ont vu le jour sur les réseaux sociaux. Une initiative populaire, sans parti ni syndicat en tout cas à sa tête.
Dimanche, des milliers de lycéens ont défilé à travers le pays. Un appel à la grève générale a été lancé sur les réseaux sociaux, diversement suivi. A Alger ce lundi, aucun train ne partait des gares, ni métro, ni tramway, ni bus.
Fissures à tous les étages
La mobilisation, inédite, n’a fait qu’enfler au fil des jours pour devenir un véritable soulèvement populaire, mais très loin des émeutes violentes qu’a pu connaître l’Algérie dans le passé. Le laisser-faire apparent des forces de sécurité qui n’ont pas durement réprimé les manifestations et diverses fissures à tous les étages ont contribué à l’amplification de la contestation.
Abdelaziz Bouteflika a progressivement perdu plusieurs soutiens qui lui étaient traditionnellement acquis. Il y a d’abord eu cette vague de démissions au sein du Forum des chefs d’entreprise, organisation patronale dirigée par Ali Haddad ou encore le groupe Cevilta, le plus important groupe privé algérien qui s’est déclaré solidaire avec le mouvement de grève générale.
Il y a eu ce message de la puissante Organisation nationale des moudjahidines, regroupement d’anciens combattants de la guerre d’indépendance, qui a estimé que les institutions algériennes « ne sont pas à la hauteur des aspirations du peuple ».
Le soutien de l’armée aux manifestants
Plusieurs branches de l’Union générale des travailleurs algériens, syndicat traditionnellement acquis au pouvoir, se sont démarquées du patron de la centrale en apportant – eux aussi – leur appui aux manifestants. Des députés ont annoncé leur démission du FLN, le puissant parti de libération.
Puis il y a eu cette déclaration dimanche de l’armée. Dans un discours face aux élèves officiers, le chef d’état-major a affirmé que le peuple et l’armée partageaient la même vision du futur du pays. Une déclaration historique pour certains, une adhésion affichée aux manifestants et donc une protection annoncée, voire un encouragement au refus de la candidature du président, qui a peut-être pesé dans la décision d’Abdelaziz Bouteflika.
Des pressions internationales
Cette décision intervient également après des pressions évidentes de Washington qui a déclaré la semaine dernière que les Américains soutenaient le peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement. Donald Trump soutenait clairement les manifestants.
Il y a aussi eu des pressions beaucoup plus discrètes notamment de la part de la France. Emmanuel Macron a notamment rappelé son ambassadeur à Alger pour consultation à Paris, ce qui était une façon de montrer son très vif intérêt pour ce qu’il se passait en Algérie.
« La France prend acte du renoncement du président Bouteflika » de se présenter à un cinquième mandat à la tête de l’Algérie, a réagi le secrétaire d’Etat français auprès du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a, pour sa part, « salué » la décision de Bouteflika. La grande crainte de la France, c’était que le pouvoir algérien se braque, que les forces de l’ordre tirent sur les manifestants et que l’Algérie bascule dans le chaos comme après les émeutes d’octobre de 1988 qui avaient été réprimées dans le sang et qui avait provoqué cette décennie noire entre les islamistes et les militaires.
Aujourd’hui, il y a un grand ouf de soulagement dans toute la communauté internationale car un sursis de quelques mois de répit se profile mais tout va maintenant dépendre de cette ouverture politique vers l’opposition et la société civile.