Au Soudan, les protestataires ont bravé une nouvelle fois l’état d’urgence qui interdit tout rassemblement, en manifestant ce jeudi à Khartoum la capitale et à Oum Darman. Ils ont réclamé, comme ils le font depuis plus de 70 jours : liberté, démocratie et le départ du président, qui dirige le pays depuis 30 ans et qui est tenu responsable de la mauvaise situation politique et économique dans laquelle se trouve le pays. Les forces de l’ordre ont dispersé les centaines de manifestants, à coups de gaz lacrymogène.
Ces défilés, baptisés désormais « les cortèges de défis » n’ont pas cessé, une semaine après le décret de la loi d’urgence dans le pays. Ce jeudi, le gouvernement a appelé les citoyens à s’éloigner des « positions des activités destructrices », désignant ainsi les lieux des manifestations.
Des observateurs craignent que la situation ne dérive vers plus de violence. Les inquiétudes s’accroissent à l’intérieur comme à l’extérieur du Soudan depuis que la loi d’urgence a été décrétée ce 22 février par le président Omar el-Béchir. Le chef de l’Etat a pris plusieurs autres mesures en nommant des gradés aux différents postes de l’Etat, ce qui suscite des craintes d’un retour au régime militaire.
Pour les activistes et les militants des droits de l’homme au Soudan, cette loi vise d’abord les manifestants et restreint les libertés publiques tout en élargissant les pouvoirs des forces de sécurité. Selon eux, les tribunaux exceptionnels auront pour mission de juger les activistes et de les envoyer en détention. Ils craignent pour l’avenir du mouvement.
Huit personnes ont été condamnées à des peines de prison au Soudan pour leur participation à des manifestations interdites par le régime du président Omar el-Béchir, ont rapporté jeudi 28 février les médias officiels.
Risque d’escalade
Selon l’International Crises Group, « le risque d’escalade est aujourd’hui plus élevé que depuis le début du mouvement de contestation ». Ce groupe rappelle que le président el-Béchir avait utilisé une tactique similaire en 2013 lors de la révolte étudiante. 230 personnes ont alors été tuées en une semaine.
Quant aux journalistes arrêtés en nombre depuis le 19 décembre dernier, ils se considèrent comme les premières victimes de la loi d’urgence. Chawgui Abdel Azim, rédacteur en chef à la télévision Soudan 24, vient de donner sa démission, il explique : « je ne peux plus critiquer le pouvoir ou parler de la corruption. »
Le comité de défense des manifestants a fait savoir que des tribunaux ont commencé à juger des dizaines des manifestants en comparution immédiate à Oum Darman.