Censé renouveler les instances dirigeantes de Nidaa Tounes, son congrès, prévu début avril, a du plomb dans l’aile. Enjeu de luttes de pouvoir, sa préparation cristallise les tensions. Par-delà les clans, différentes visions de la gestion à venir du parti s’affrontent. Des comptes qui se règlent en interne, mais aussi au tribunal.
Initialement prévu début mars, le congrès de Nidaa Tounes, censé désigner une nouvelle instance dirigeante, a déjà été reporté au 6 avril. Des désaccords internes n’y seraient pas étrangers. Une commission, dirigée par Ridha Charfeddine, est pourtant chargée depuis octobre de préparer l’événement et d’en établir les modalités de fonctionnement.
Des élections internes doivent d’abord renouveler les bureaux locaux, avant désignation des congressistes chargés d’élire la trentaine de membres du bureau national. Mais en lieu et place du renouvellement promis, une guerre intestine paralyse son organisation.
L’instance dirigeante pointée du doigt
Preuve, s’il en faut, du malaise interne : certains membres du bureau exécutif ont appelé à la formation d’une nouvelle instance directive pour tenir les rênes du parti, en amont de ce congrès. La déclaration sonne comme un pied-de-nez à Hafedh Caïd Essebsi (HCE).
Dans un communiqué diffusé ce mardi 26 février, le comité d’organisation du congrès a même accusé en filigrane HCE de saboter ses efforts
Dans un communiqué diffusé ce mardi 26 février, le comité d’organisation du congrès a même accusé en filigrane le directeur exécutif de Nidaa de vouloir saboter ses efforts et d’empêcher le déroulement de l’événement dans des conditions optimales, dénonçant directement la direction du parti. Cette dernière lui ferait donc de l’ombre.
Le 15 février, Ridha Charfeddine soulignait déjà le risque de voir certains membres du parti s’engouffrer dans les confits internes et les répercuter sur l’organisation du sommet. Même son de cloche du côté du chef du bloc parlementaire, Sofiane Toubel, qui a nommément critiqué dans plusieurs médias tunisiens le coordinateur général de l’instance politique, Ridha Belhaj.
Gels et démissions
Nidaa tente pourtant de s’ériger en modèle, en promettant un congrès électif exemplaire et participatif. Ses députés ont par ailleurs demandé à ce que le « tourisme parlementaire » (changement de parti en cours de mandat à l’Assemblée des représentants du peuple) soit sanctionné. Signe de probité ou revanche ? La proposition a tout l’air d’une réponse au délitement de ses rangs et au départ de ses députés depuis l’été pour le groupe Coalition nationale, vivier du nouveau parti Tahya Tounes.
En attendant un changement profond, Nidaa Tounes continue de faire le ménage dans ses rangs. Les gels et démissions de ses cadres se multiplient ces dernières semaines. Le 22 février, c’est Slim Riahi, secrétaire général depuis seulement le 17 octobre, qui quittait le navire, sur fond de litiges judiciaires personnels, « convaincu (qu’il) n’apporterait rien au parti ». Depuis, les rumeurs de manœuvres dirigées par HCE vont bon train.
Le 14 février, c’est l’adhésion de Ridha Belhaj qui était gelée pour « dépassements ». Ce dernier avait pourtant réintégré le parti en juillet 2018, après l’avoir quitté en 2016, à couteaux tirés avec le clan Essebsi.
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Publiée par نداء تونس Nidaa Tounes sur Jeudi 14 février 2019
Quelques mois plus tôt, le 14 septembre, le chef du gouvernement Youssef Chahed – qui avait auparavant accusé Hafedh Caid Essebsi d’avoir « détruit le parti » – voyait lui aussi son adhésion gelée. Tahya Tounes lui sert depuis de rampe de lancement.
La double plainte de Belhaj
Ridha Belhaj fait partie de ceux qui ont demandé qu’une nouvelle instance gère le parti d’ici au congrès. Le gel de son adhésion serait-il lié à cette proposition ? Contacté par Jeune Afrique, l’intéressé assure avoir organisé des réunions à l’échelle régionale pour promouvoir cette idée, afin de « faire en sorte que les militants reviennent, car avec l’image qu’ont HCE et ses proches, comme les députés Sofiane Toubal ou Ons Hattab, beaucoup hésitent ». Il estime aujourd’hui que ce clan l’a évincé « pour organiser le congrès à sa guise ».
Cet avocat dit avoir porté plainte en référé contre cette sanction, et avoir par ailleurs entamé une deuxième action en justice pour prouver que « le bureau politique du parti n’est plus habilité à le gérer depuis juillet 2016, car c’est au comité des fondateurs de reprendre cette gestion». Une instance dont il est membre. Selon lui, le bureau était tenu d’organiser un congrès consensuel suivant un calendrier aujourd’hui dépassé.