La tension est montée d’un cran ces dernières heures au Tchad avec des frappes de l’aviation françaises dans l’est du pays. Des mirages ont tenté de disperser des pick-up appartenant à un groupe armé en provenance de Libye, a annoncé ce lundi Paris. La colonne visée était celle de l’Union des forces de la résistance (UFR), a indiqué son porte-parole Youssef Hamid. Il a déploré le « tournant dangereux » pris par la France en intervenant militairement dans les « affaires internes » du Tchad.
Ce lundi matin, l’état-major français a confirmé dans un communiqué, l’intervention d’une patrouille de Mirage 2000D des forces françaises. La défense précise que la frappe a eu lieu à 18 heures, heure de Paris, ce dimanche 3 février, que la « colonne avait été repérée depuis au moins 48 heures et que l’armée de l’air tchadienne avait déjà procédé à des frappes pour tenter de les stopper ». Ce bombardement a été conduit sur la base de renseignements tchadiens et français, précise-t-on à Paris, ce qui explique pourquoi le communiqué parle d’une « opération conjointe ».
Toujours selon des sources militaires françaises, l’armée tchadienne avait déployé depuis quelque temps des avions de combat sur la base de Faya-Largeau, également utilisée ponctuellement par les forces françaises. L’armée de l’air tchadienne a aussi l’habitude de déployer une partie de ses moyens sur la base aérienne d’Abéché dans l’Est.
Acte grave pour l’UFR
Selon l’état-major français, c’est donc une colonne d’une quarantaine de véhicules puissamment armés qui a été visée. « Depuis deux jours, ils évitaient soigneusement tous les points de contrôle et l’armée tchadienne avait tenté de les détruire », indique une source française. Côté français, plusieurs passages d’intimidations ont été menés par les mirages partis de Ndjamena dans la matinée. Des survols qui étaient restés sans effet jusqu’à l’emploi de bombes de précision par les pilotes français. Au total, quatre bombes ont été larguées. Un bombardement qui a permis « d’entraver cette progression hostile et de disperser la colonne ».
L’état-major n’a pas donné de bilan ce matin, ni d’ailleurs la localisation exacte de la frappe, préférant évoquer « une infiltration profonde en territoire tchadien, d’un groupe armé en provenance de Libye ». La frappe aurait eu lieu à au moins 400 kilomètres de la frontière libyenne avec les moyens de l’opération Barkhane. L’état-major assure que « ces moyens peuvent être utilisés dans un cadre bilatéral ». En 2006, les mirages français s’étaient officiellement contentés d’un tir de semonce au canon à 200 mètres de la colonne rebelle qui faisait route vers Ndjamena.
Cette frappe de la France du président Macron est « très grave et inacceptable » pour l’Union des forces de la résistance tchadienne qui dit avoir été visée.
C’est un problème interne qui concerne les Tchadiens.
Youssef Hamid, porte-parole en Europe de l’UFR
04-02-2019 – Par Houda Ibrahim
La question de la légitimité
Joint par RFI, Laurent Duarte, coordonateur de « Tournons la page ! », pose la question sur la question sur la légitimité de cette frappe française, même si un accord militaire existe entre les deux armées tchadienne et française.
« La décision de la France de frapper une colonne de l’opposition armée tchadienne conjointement avec l’armée tchadienne, laisse paraître un soutien très ferme de la France au régime d’Idriss Déby. Par ailleurs, l’usage de tous les moyens à disposition de la France pour permettre à ce régime de se maintenir au pouvoir, cela pose une question de légitimité. Est-ce le rôle de la France, de ses opérations extérieures et de son armée que de venir en aide à des régimes sans légitimité ? C’est très fortement contesté pour leur violation récurrente des droits de l’homme », estime-t-il.
« Il existe un accord de défense entre le Tchad et la France sur la base légale d’une coopération, notamment pour avoir sur place l’opération Barkhane, mais de là à ce que l’on puisse avoir des actions aériennes de la France contre une force rebelle et non pas une force terroriste, c’est encore autre chose qu’il faudra analyser. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que sur la base légale, il sera difficile d’attaquer cette frappe puisque la demande vient de l’Etat tchadien et qu’il y a un accord entre des deux armées », explique Laurent Duarte.
« Des mercenaires et des terroristes »
Le général Daoud Yaya, ministre tchadien des armées, considère les rebelles tchadiens venus de la Libye comme étant des terroristes qui veulent déstabiliser le pays. Il affirme que les frappes aériennes effectuées avec l’aide de la France pourront se poursuivre.
Je sais que ce sont des mercenaires et des terroristes qui sont en Libye et qui cherchent à déstabiliser notre pays et donc, la France nous a aidé à neutraliser cette colonne.
Général Daoud Yaya
04-02-2019 – Par Houda Ibrahim
Ainsi, L’UFR dénonce « un tournant dangereux » tandis que Ndjamena justifie des frappes contre « des terroristes ». L’intervention de l’aviation française surprend, néanmoins, Rolland Marchal, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).